La justice, à côté des pouvoirs législatif et exécutif, fait partie des trois piliers sur lesquels repose notre système républicain. Pour tout litige, les justiciables s’adressent aux différentes juridictions (tribunaux de première instance, cours d’appels, cour suprême, etc.) afin d’obtenir gain de cause.
Quel que soit le jugement qu’on a sur l’équité des décisions juridictionnelles, la justice demeure le dernier recours pour régler les différends entre individus et/ou entités, y compris l’Etat, avec l’exécution, de gré ou de force, des verdicts qui en résultent.
Généralement, les arrêts rendus par la justice contre l’administration ne sont exécutés qu’avec beaucoup de peine et après de longues tergiversations durant lesquelles les droits se perdent et l’injustice se multiplie.
Il est fâcheux et inconcevable que les justiciables, après avoir obtenu gain de cause, suite à un long et difficile combat, renouent avec la déception et les souffrances amères et dégradantes.
Durant les différentes étapes d’un procès, la victime de l’injustice, quelle que soit sa conviction de l’équité et la pertinence de sa cause, met en tête deux possibilités : soit la justice lui donne raison, soit, au contraire, elle rejette définitivement sa requête, après avoir épuisé toutes les voies de recours autorisées par la loi. Lorsque le verdict est tombé, confirmant la réclamation relative à l’injustice subie et ordonnant l’administration publique de la réparer, toute manœuvre pour renvoyer aux calendres grecques l’exécution de cette décision constitue de fait une injustice supplémentaire. C’est à partir de là que l’amertume et la frustration de l’ayant droit s’accentuent. Alors, une question se pose : pourquoi les décisions de la justice sont exécutées par toutes les parties, excepté l’administration qui doit donner le bon exemple en appliquant, sans réticence, les verdicts de la justice rendus à son encontre ?
La raison en est que la justice n’ordonne pas l’exécution forcée contre l’Etat, elle laisse plutôt aux responsables publics la latitude de trouver les procédés adéquats pour l’exécution des décisions juridictionnelles rendues contre l’administration. Nonobstant, certains décideurs abusent de cette largesse octroyée par le juge administratif, à tel point que l’exécution d’un jugement contre l’administration est sujette au pouvoir discrétionnaire de tel ou tel responsable, et dans certains cas cette exécution est fonction d’autres critères plus subjectifs, tels que la parenté, le népotisme, le clientélisme, etc.
Certains hauts responsables, par manque de culture juridique ou indifférence à l’égard de la loi, ignorent les décisions émanant des juridictions contre leurs départements. Cette carence en culture juridique peut même amener ces grands commis de l’Etat à croire que leurs propres décisions (arrêtés, notes de services, circulaires, etc.) sont supérieures aux décisions de la justice et que celles-ci, pour être exécutées, doivent faire l’objet de l’aval préalable des autorités détentrices du pouvoir de nomination/révocation dont les instructions, et même l’humeur, comptent plus pour eux que les prescriptions de la justice.
En fait, rien ne doit bloquer l’exécution de telles décisions par l’administration, notamment si les responsables aux commandes sont mus par une volonté sincère et disposés à appliquer la loi dont font partie les décisions émanant de la justice. Des alibis tels que l’attente d’un feu vert des « hautes autorités » ou le manque de fiches budgétaires ne sont que des subterfuges inconséquents et dilatoires. Aucune autorité dans un Etat de droit, quel que soit son niveau, ne peut se permettre la dérogation de priver les gens de leurs droits confirmés par la justice, car un tel agissement équivaut à une entrave à l’exécution des décisions de la justice, acte réprimé par la loi. Quant à la mise en place des fonds requis pour l’exécution des arrêts émanant des juridictions, leur justification est facile : il suffit de les inscrire sur les rallonges du budget initial de l’Etat à soumettre à l’Assemblée nationale.
En somme, l’exécution des décisions juridictionnelles rendues contre l’administration demande une décision urgente que devrait prendre le Président de la République sortant, son excellence M. Mohamed Ould Abel Aziz, président du Haut Conseil de la Magistrature. Il est le premier et le dernier responsable auquel incombe le devoir juridique et moral de bien veiller à l’application des décisions de la justice, car la non exécution de telles décisions ternit l’image du pays et remet en cause sa crédibilité. Si telle décision est prise par le Président Mohamed Ould Abel Aziz avant de quitter le pouvoir, elle aurait un impact positif, à l’exemple de la régularisation définitive de la situation administrative des personnels non permanent (PNP) dont le problème était plus compliqué que celui des bénéficiaires des décisions de la justice, moins nombreux et plus méritants.
Enfin, il incombe au Président élu, son excellence M. Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed Ould Cheikh El Ghazwani, que nous lui souhaitons plein succès dans ses nouvelles fonctions, de créer une nouvelle structure juridico-administrative dont la mission principale est de garantir l’exécution diligente des jugements définitifs émis par les juridictions contre l’administration publique, afin d’éviter toute tergiversation ou spoliation des droits des justiciables, reconnus et confirmés par la justice.
Par Dr Ahmed Ould El Moustaph